Le panier de raisins

La nature morte a toujours occupé une place de choix dans l'œuvre de Chavaz. Il est vrai que l'intérêt du peintre pour Cézanne ne pouvait que le conduire à réaliser, à son tour, des compositions de ce genre classique par excellence. 
Dans cette peinture de grand format, l'artiste reste fidèle à son inspiration nourrie du quotidien. Il est également fidèle à ses principes de simplification, travaillant par de larges bandes, riches en nuances chromatiques et en découpes aux formes différenciées. Tous ces éléments savamment élaborés confèrent à l'œuvre une grandeur et une présence qui dépassent de beaucoup la réalité physique du sujet ainsi magnifié. 
Le coteau de Savièse est tout entier consacré à la vigne. Les grappes de raisin sont une composante de la culture de la région, dans toutes les acceptions du terme: le vin y tient une place privilégiée dans la vie communautaire et sociale. Les nombreux artistes, établis à Savièse ainsi que les amis qui leur rendent visite font souvent état de cette réalité. Le muscat est particulièrement apprécié. La descente dans les caves «où, verre en main, on apprend beaucoup de choses sur le pays», comme l'écrit Madeleine Biéler, la compagne de celui qui révéla Savièse, constitue un véritable rite. Marguerite Burnat-Provins en a donné, dans ses «Petits Tableaux valaisans» une description très imagée : «Saturée de l'odeur piquante du fromage et du vin, la Cave solliciteuse ouvre sa porte mal jointe qui guette le passant au ras du chemin. Elle promet la fraîcheur et les bavardages en face des tonneaux sérieux, assis dans la pénombre et qui gloussent quand le vin coule. Il y traîne un demi-jour sali, bluté par les soupiraux étroits, blafards comme des plaques d'argent, et ce sont des silhouettes fortement dessinées qui boivent en causant dans cette obscurité.» 
Une fois de plus Chavaz excelle à sublimer les choses les plus simples. Les objets banals et les détails anecdotiques - comme le papier qui, dans le panier, protège les grappes - deviennent des éléments plastiques essentiels. La minceur du sujet n'effraie pas le peintre; au contraire, elle lui permet, pour cette raison même, une évocation d'une ampleur et d'une monumentalité inattendues.

Chavaz Albert

Albert Chavaz naît à Genève le 6 décembre 1907. Il fait un apprentissage de deux ans dans la boulangerie paternelle. De 1927 à 1932, il étudie à l'Ecole des beaux arts de Genève, avec Fernand Bovy et Philippe Hainard pour professeurs.

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